Il y a quelques mois, quand Camille est venue à Strasbourg, elle m'a offert Extrêmement fort et incroyablement près. C'est qu'elle a le don pour trouver les livres qu'il faut, la demoiselle. Faute de temps (et du fichu programme de lecture du premier semestre à boucler avant les exams), je n'ai commencé cette merveille que la semaine dernière.
J'ai ouvert le livre, je l'ai feuilleté en m'arrêtant sur ses pages pleines de chiffres, de phrases qui s'emmêlent et de photos qui font battre le coeur. J'ai relu les quelques mots de Camille, en passant mes doigts dessus, tout doucement, et en pensant à tout le bien que j'avais entendu à propos de ce livre. Je savourais les secondes qui précèdent le grand saut, ce plongeon vertigineux qu'est la lecture.
"Pourquoi pas une bouilloire?"
De nombreuses heures plus tard, je fermais le livre, complètement chambouleversée. Depuis combien de temps un livre ne m'avait pas tenue éveillée des nuits entières, ne m'avait pas noué l'estomac ainsi ? Je me souviens d'une nuit où, après plusieurs heures, j'arrivais enfin à fermer le livre, à y glisser le marque-page envoyé par Margot (ce livre méritait évidemment le plus beau des marque-pages). Il avait beau être cinq heures, je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Je suis passée par toutes les émotions. J'ai tendu l'oreille pour chercher à attraper les ronflements de mon père, dans la pièce du dessous, et le souffle régulier de mon frère, juste à côté. J'ai versé quelques larmes sur mon oreiller que je serrais plus fort que jamais. J'ai résisté comme j'ai pu à l'envie d'envoyer des milliards de messages, à Marie, à Camille, à Delphine et à tous les autres, pour leur avouer combien je les aime. Et je me suis levée, tout doucement, sur la pointe des pieds pour ne pas faire grincer le parquet. J'ai ouvert ma fenêtre en géant et sur le rebord, j'ai posé un carnet à spirales que j'ai couvert de mots en vrac. J'avais tellement besoin de me sentir vivre. J'écrivais dans tous les sens, les phrases qui me traversaient l'esprit et surtout les mots d'Oskar. J'avais corné des centaines de bas de page, là où les mots m'avaient touchée encore plus fort. Et je me suis recouchée, en souriant. J'y ai repensé dans le train qui m'emmenait à Lille, au moment où, la tête en l'air, j'ai aperçu un avion imprimer son chemin moutonneux sur le ciel étonnement bleu. Je n'étais pas assise dans le sens de la marche, le paysage défilait à l'envers. Paris s'éloignait, je pensais à Oskar et aux dernières images de cet homme qui monte à travers les airs.
"Il m'aurait raconté l'histoire du sixième district, depuis la voix dans une boîte à la fin jusqu'au commencement, depuis "Je t'aime" jusqu'à "Il était une fois..."
On n'aurait rien eu à craindre."
Difficile de se lancer dans un résumé de cette enquête qui mène Oskar et ses mots d'enfant dà travers les quartiers de New-York, de ces vies qui se croisent, de ces histoires qui se mêlent, de ces cahiers remplis de mots cachés dans l'horloge, de cette grand mère si touchante et de cette famille qui vit tellement fort. Un livre extrêmement bouleversant et incroyablement vertigineux, en somme. Allez faire un petit tour chez ces demoiselle (Camille et Pelote), qui ont donné de la voix à cette histoire.